Auparfum

Esxence, parfum de fin

Milano, ultima fermata

par Dominique Brunel, le 31 mars 2015

Après quelques jours, ça devient difficile de se faire un point de vue.

Les flacons se referment. Esxence, c’est fini. Alors pas de tristesse inconsidérée. Après tout, il ne s’agit que de parfum. Les corps sont fatigués. En plus, hier (parce que cet article traîne depuis 2 jours, donc je parle de samedi), c’était la fameuse soirée 80’, que j’évoquai rapidement dans le précédent billet. Certains n’émergeront jamais de toute la journée de dimanche.

Je finis cette "saga" avec peine, sous la pluie parisienne, en tentant de faire revivre dans ma mémoire la douceur milanaise... Mais je ne veux pas vous mentir non plus, se balader des heures dans un salon aux teintes sombres et aux allées semi-éclairées (=luxe), ça vous rendrait neurasthénique le plus enjoué des auparfumistas.

Quelques rencontres lors de ce dimanche. Car c’est bien le principe. Mais moins de facéties. Quelques impressions plus générales.

A commencer par la légion de concepts qu’on croise et qui fascine, en papillonnant de stand en stand (ceux qui me connaissent savent que "papillonnant" est le mot qui me décrit le mieux). Ainsi, chez Uermi, on a laissé le champ libre aux parfumeurs, notamment à Antoine Lie, pour dire en parfum ce que les tissus leur évoquait : soie, denim, tweed. Parfois on (je) s’y retrouve. Parfois non. Mais ne dit-on pas que c’est l’intention qui compte ?

L’Aoste, l’autre pays du parfum

Pour ceux d’ailleurs qui trainent leurs guêtres sur auparfum, un peu par hasard, entre la lecture d’un compte rendu du résultat des départementales et un bulletin météo déprimant, je voudrais apporter une précision : la plupart des créateurs de marque que je croise ne sont pas parfumeurs eux-mêmes. Ils sont avant tout porteur d’un concept, d’une idée, d’une envie de créer. Mais ils FONT créer.

Et c’est le moment de rendre un petit hommage à tous ces parfumeurs, dont certains travaillent souvent pour des marques aux esprits très différents, voire antagonistes. Les marques vous parleront d’ailleurs avec émoi de leur quête avide d’un nez qui les comprenne et d’une rencontre quasi-amoureuse... alors ne soyons pas naïfs, il y a aussi un peu de storytelling [1] dans tout ça. Hein. Si, allez, si.. ne nous dites pas le contraire. Mais après tout, c’est bien l’un des caractères de cette parfumerie que nous raconter des histoires et de chercher à déclencher les plus belles évocations.

Parfois ils m’expliquent même mettre la main à la pâte. J’ai ainsi rencontré Kristian Malbrum (parfums... Malbrum). Norvégien bientôt niçois. Ça se tient. Une plastique qui détone ici. De blondeur et de muscle. « Mes parfums sont "sharp", "agressive", "differents" ». En tout cas, il m’a fallu trois jours pour approcher le stand. Gros succès d’audience. Lui, de temps à autre, s’empare(rait) des tubes à essai pour mieux aiguiller/aiguillonner son nez (Delphine Thierry). Si je la croise, je lui poserai la question !

Celle-ci, je l’ai piquée sur son instagram.

Attention, voici la partie intense de l’article, où je me pose une question

Ces marques ont un certain nombre de points communs : il est généralement écrit "eau de toilette", "extrait" ou "eau de parfum" sur leurs flacons. En français dans le texte. Un peu comme l’allemand est celle de l’automobile (ou de la philosophie, je ne me souviens jamais). Le nom des parfums eux-mêmes peuvent être français (ainsi du Tigre de Bengale chez Malbrum). Et tout un chacun s’accorde à dire que l’histoire de la parfumerie moderne prend ses racines en France.

Alors pourquoi aucune parfumerie française ne fait-elle le voyage jusqu’à Milan ? Sauf erreur de ma part ! et de celles des marques à qui j’ai posé la question. C’est un mystère. Pour les marques aussi. Chez Uermi, on me dit « Nous n’avons pas le temps de nous en occuper, nous sommes vendus dans beaucoup de pays. La France ne nous manque pas... mais si quelqu’un vient nous voir, alors pourquoi pas ? ». Certes, il n’y a pas autant de parfumeries de parfums rares en France qu’en Italie. Notre marché est un peu sinistré (je parle volume, pas qualité !!), malgré de récentes ouvertures comme Sens Unique à Caen ou Jovoy au Mans. Mais cela reste quand même surprenant et pousse généralement à la conclusion qu’il n’est pas étonnant qu’aucun salon de la sorte n’existe dans l’Hexagone.

Chez Cale, fragranze d’autore (marque appartenant à Silvio Levi, co-fondateur d’Esxence), je croise l’accueillante Chiara Foroni. Elle me fait justement remarquer que les noms de leurs parfums sont uniquement en italien... Cela en deviendrait presque un facteur différenciant !

« Ah oui, comme Tepidarium  ?
- Non, ça c’est du latin.
- Ah. »
.

Et puis il y a quand même beaucoup de marques françaises ! Peut-être la moitié des exposants ? Ce qui renforce le paradoxe.

Détour pour cette dernière balade, du côté d’Aimée de Mars, marque détentrice du concept d’aromaparfumerie (je n’arrive pas à reproduire le R, alors je mets une image) où 95% des ingrédients sont des huiles essentielles.

Ce qui m’a semblé finalement le plus singulier dans la démarche est le mode de commercialisation, de vente à domicile, façon Tupperware. Sans doute une bonne façon de vendre du parfum, en allant directement à la rencontre de ses clients potentiels. Mais sans doute aussi pas pour toutes les marques qui préfèreront des boutiques-écrins.

Tiens. Il se passe quoi ? Tout le monde se précipite. Les flacons disparaissent. Les cartons se remplissent. Etrange amalgame d’élégance et de pragmatisme. Ca doit être la fin. Seuls les Milanais semblent détendus. Les autres pensent à leur avion. Moi je pense à mon article. Et je m’éclipse. Je me dis qu’on me laissera peut-être revenir l’année prochaine. Alors, tout de suite, c’est moins triste.

Stand au biscuit
Fleurs blanches et Cartons marron

[1Le storytelling ou conte de faits ou mise en récit, signifie littéralement « racontage d’histoire ». L’expression désigne une méthode utilisée en communication fondée sur une structure narrative du discours qui s’apparente à celle des contes, des récits. Son emploi notamment en communication politique est controversé du fait des usages parfois discutables auxquels se livrent les Conseillers en communication désignés sous le terme de spin doctors. http://fr.wikipedia.org/wiki/Storytelling_%28technique%29

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par blanchard monique, le 1er avril 2017 à 13:18

Je soubaiterais partager avec tous les parfunistas l adresse d un createur de parfums que j ai rencontre par hasard au cours d un deplacement dans le Gard à la Motte du Rhône (je ne garantis pas l orthographe) Jean Patout oui ça ne s invente pas) qui propose une approche particuliere du parfum rapprochant l inne et l acquis dans nos attirances olfactives IL propose un atelier où en procedant par inhalation instinctive sur 56 fragrances puis en reduisant progressivement à l aveugle la selection preferee de la personne à 3 fragrances, il peut degager ses traits psychologiques , l objectif etant de trouver la senteur qui voulait correspond J ai experimente et suis sortie bluffee par son analyse psycho d e ma personnalite pscho etdu parfum correspondant le mieux je recommande l experience cela s’appelle In fine

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par Memories, le 31 mars 2015 à 23:30

Merci pour ces CR Domik.Grâce à eux, nous avons pu apprendre que le Comité Joséphine avait envoyé des représentants à Milan.

Cela peut être un élément déclencheur pour inciter les parfumeries françaises à faire le voyage lors de prochains salons et aussi, pourquoi pas, à envisager ce même type de salon dans l’Hexagone.Ce serait, dans un avenir plus ou moins proche des réponses positives à la question que vous posez et à vos souhaits (ainsi qu’un plaisir pour les passionnés).

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par domik, le 31 mars 2015 à 23:47

Merci Aryse... J’ai essayé de retranscrire une ambiance, même si j’imagine que vous pouvez être un peu frustré de ne pas avoir plus d’infos sur les parfums eux-mêmes. Mais pour cette première année, je n’étais pas entouré de ma fine équipe.

Cela dit, le Comité Joséphine était bien présent. Si vous faites référence à ma mention de marques françaises (car je n’ai pas parlé du Comité, je l’avoue), il faut reconnaître que beaucoup n’en faisaient pas (encore ?) partie.

Qui sait, peut-être enverrons-nous une délégation d’auparfumistas à la prochaine session :)

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par Aryse, le 1er avril 2015 à 00:09

En fait, je faisais référence à votre post du 28 mars (ça sent la niche) dans lequel vous disiez avoir rencontré Luc Gabriel.J’en ai déduit automatiquement que le Comité Joséphine était présent (et certes, ce Comité va certainement s’élargir).

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par domik, le 1er avril 2015 à 00:25

Ah, ok, cela fait plaisir d’être autant lu dans le détail :) Mais Luc Gabriel est aussi (et surtout) le directeur de The Different Company qui y avait un beau stand !

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