Kenzo Jungle pour Homme

Son flacon n’a rien de très marquant, et heureusement qu’il est svelte, car il ne lui reste plus que peu de place dans les linéaires. Il n’a jamais réussi à creuser son sillon, un autre parfum issu de la même marque aux notes marines des 90’s, qui continue à exister près de vingt ans après sa sortie, ayant focalisé toute l’attention.
Ceci n’est pas le cas de Kenzo Jungle pour Homme qui passe un peu trop inaperçu alors qu’il mériterait davantage d’intérêt...

Son accord autour d’un bois transparent immatériel enveloppant des notes ambrées et épicées souligne le moment de sa conception. En effet, un effet cédré sec mais souple, comme plastifié, rappelle la signature des parfums boisés innovants des années 90 comme Féminité du Bois ou Dolce Vita. On retrouve dans Kenzo Jungle Homme la même impression d’une mine de crayon, dont on respirerait les épluchures, mais sans la raideur habituelle des boisés d’avant les années 90.

Pour autant, résumer le parfum de Kenzo seulement à cela serait très réducteur. Des notes épicées (muscade, cardamome), boisées (cèdre, gaïac, santal) et baumées (benjoin, ambre) révèlent que souvent, au sein d’un même couple, madame et monsieur ont des airs de ressemblance. Mais Kenzo Jungle Homme est à l’image de ces couples où monsieur se fait bien plus discret que madame, plus mince alors qu’elle est plantureuse, souvent taciturne et silencieux alors qu’elle est bavarde.

Elle est une femme gironde et extravagante au décolleté vertigineux qui rit à gorge déployée ; lui, un homme plus timide et dégingandé, mais dont la fougue couve sous les braises.
Autre image qui peut faire sourire mais est révélatrice : si le parfum féminin est un "Éléphant" (et également un "Tigre"), le masculin est nommé le "Zèbre" : l’esprit qui rapproche et sépare les deux est bien là.

On retrouve le même souffle ambré relevé d’épices que dans des orientaux comme Nu ou Kingdom (par le cumin), dont on avait pu en percevoir déjà la silhouette prémonitoire dans Dune. Les notes lactées mêlant un chaud-froid épicé annonceront, encore davantage que la version féminine, le joli Lumière Blanche d’Olfactive Studio sorti en 2012.

Les références sont multiples, depuis une parfumerie grand public qui ose, jusqu’à une parfumerie qui, si elle est alternative, n’en n’oublie pour autant pas de rester accessible.
Sorti en 1998, Kenzo Jungle Homme a toujours eu du mal à se faire sa place entre un grand frère marin et son "épouse" iconoclaste quelque peu envahissante, tous deux ayant davantage marqué les esprits. D’ailleurs, sans la mise en lumière de certains de nos lecteurs attentifs, il me serait totalement passé inaperçu également.
Pourtant, lorsque je découvre actuellement certaines choses jolies qui y font indéniablement penser, je ne peux m’empêcher de croire que ce parfum trop discret, loin d’être falot, avait l’âme d’un précurseur.