Auparfum

La Myrrhe

Jicky

par Jicky, le 17 janvier 2015

Bonjour Magnan,

Comme le souligne Youggo, c’est un peu bête de s’emporter déjà parce qu’à la base, le commentaire d’Opium n’était nullement méchant et surtout parce que le robinet d’eau tiède est primordial quand on parle de parfumerie. La fois où j’ai regardé Secret Story (c’était un samedi en juin 2009, j’étais chez des amis qui regardaient, voilà pour l’excuse), j’ai compris que "avoir de vrais avis" et "être soi-même" semble être des qualités nécessaires aux yeux des candidates et des candidats. Mais, comme le dit Michel Pastoureau, c’est dommage d’avoir laissé le gris pour un noir ou un blanc bien franc, tranché et définitif (et je ne parle même pas de "gris tourterelle ou de gris souris"). Tout ça pour dire que pour parler de parfums, être dans la nuance est primordial (tiens, c’est la deuxième fois que je l’écris aujourd’hui) : déjà parce que la nuance en soi permet un débat déjà un cran au-dessus, permet une intelligibilité et une meilleur compréhension pour les interlocuteurs, mais aussi parce que le parfum et l’odorat sont faits de nuances de perceptions (point que je ne développerais pas ici car ce n’est pas le sujet). Bien sûr, cela ne veut pas forcément dire qu’il faut tout le temps avoir des avis un peu mous et inconsistants (je suis moi-même l’auteur de paragraphes complètement emportés et sans nuances), mais il faut toujours se souvenir dans un petit coin de pas mal de contrepoints.

Bref, afin de vous répondre, tout d’abord un petit point historique, que vous connaissez déjà. Comme vous le disiez dans vos premiers messages, il faut savoir qu’avant les années 2000, on ne parlait jamais des parfumeurs. Les marques ne communiquaient jamais dessus, que cette marque soit Dior, Lutens ou Catherine Deneuve.
Que Lutens se soit fait passer pour un créateur de parfums de A à Z, c’est faux, mais le discréditer pour ça serait manquer de discernement. Car, contrairement à ce que vous pensez, le vrai génie créatif entre Lutens et les parfumeurs qui ont travaillé pour lui, c’est Lutens et pas le parfumeur. Pour avoir discuté personnellement de ce sujet avec Sheldrake, Lutens et Roucel (papa d’ISM), c’est quelque chose que vous ne pouvez pas lui retirer. Si Sheldrake est celui avec qui il a signé presque tous les parfums, c’est parce que Sheldrake (en plus de son talent de parfumeur qu’il ne faut pas déconsidérer, entendons nous bien) est celui qui comprend et accepte le plus la manière dont Lutens cherche à donner vie à un parfum. Lutens a l’idée d’origine (à partir d’une matière, comme il le faisait à ses débuts, d’un ensemble de matières, de quelque chose de plus personnel, d’une inspiration littéraire, historique ou d’un concept abstrait) et créé tout un univers autour de son idée. Il la soumet ensuite à Sheldrake en lui indiquant quelle direction olfactive prendre, parfois d’une manière assez souple, parfois de manière insistante sur des détails techniques parfois très pointus et du niveau d’un parfumeur à part entière. Sheldrake n’est qu’un exécutant et tente d’infuser le moins possible son écriture pour que celle de Lutens ressorte.

C’est là tout le génie de Sheldrake : il comprend ce que veux dire Lutens (et dieu sait combien déjà ce point veut dire beaucoup quant à sa finesse d’esprit !), sait comment l’appliquer et surtout accepte de s’effacer au profit de la création. Après, bien évidemment que la patte Sheldrake se ressent dans le travail qui en résulte, mais non, la gamme ne doit pas qu’à Sheldrake.

Lutens est un directeur artistique qui connaît la tâche qu’il confie par cœur. En discutant avec lui, on remarque qu’il connaît très bien les matières premières, presque comme un parfumeur. C’est à dire à la fois les naturels les plus pointus mais aussi les matières premières de l’ombre, dont on ne parle jamais mais qu’un parfumeur utilise tout le temps. Je vous l’ai déjà dit, il est capable d’entretenir une discussion de parfumerie technique pointue. Donc c’est plutôt maladroit de le blâmer là dessus. Connaissant son goût pour les métaphores et autres paraboles symboliques, je pense que son histoire de bois brûlé est à mettre dans le même panier que son fameux cordon ombilical - mèche de cheveux ^^.

Enfin, une petite anecdote qui permet d’appuyer et illustrer ce que je vous ai dit, la création d’Iris Silver Mist. Lulu voulait un parfum à l’iris, il demande à Roucel qui lui fait des essais. Mais Lutens n’est pas convaincu, il veut plus d’iris, du début à la fin. Que ça sente l’iris tout le temps. Roucel dit clairement que ce n’était pas possible son affaire. Mais c’est Lutens qui a insisté, l’a poussé aux limites de la formulation pour que le parfum sente autant l’iris, de la première à la dernière seconde. Roucel explique qu’il a fini par trouver des synthétiques obscurs, oubliés par les parfumeurs car considérés comme cheap, lui permettant de booster certaines facettes, des naturels différents, des notes complémentaires, un puzzle qu’il a assemblé et qui a donné vie à ce chef d’œuvre. Quand on lui en parle, Roucel éclate de rire et dit "ah mais j’étais bourré quand j’ai fait ce parfum. Jamais j’aurais pu faire ça tout seul." C’est Lutens qui l’a poussé au bout de la démarche.

Ç´a a été pareil pour beaucoup d’autres parfums. Donc, au risque de vous décevoir, mais dans les faits, celui qui concrétise les idées est bien Monsieur Lutens (comme l’aiment l’appeler les gens qui travaillent avec et pour lui), là où Sheldrake les matérialise, avec talent évidemment.
Enfin, l’utilisation du mot maître dans l’article ne devrait pas être un problème. Déjà parce que, comme le souligne Opium dans sa réponse, de manière purement factuelle, la définition est... juste (la voilà, c’est même la première entrée). Enfin, parce que ça permet aussi d’éviter les répétitions. Et avoir une syntaxe moins monolithique, avec des mots plus variés et tout aussi pertinents, c’est comme la nuance : les idées passent mieux et c’est bien plus élégant,

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