Terre Eau Très Fraîche
Hermès
Coup de cœur
- Marque : Hermès
- Année : 2014
- Créé par : Jean-Claude Ellena
- Genre : Masculin
- Famille : Boisée - Hespéridée
- Style : Frais - Pointu
Eau souriante
par Alexis Toublanc, le 16 juin 2014
Il paraît que lorsqu’on sourit en téléphonant, cela se sentirait : l’interlocuteur ressentirait une légère modulation de la voix, un souffle plus enjoué, une intonation plus délicate. Et bien vous savez quoi ? Je suis presque persuadé que, lorsqu’il formulait l’Eau Très Fraîche de Terre d’Hermès, Jean-Claude Ellena souriait. Et je suis même presque sûr qu’il riait à certains moments. Un gosse vous dis-je !
J’aime croire que, libéré de son oeuvre la plus complexe et la plus touchante avec l’Eau de Narcisse Bleu, Ellena ait profité d’une liberté nouvelle et d’une sorte de soulagement créatif. Qu’importe ; plus rien à prouver, une formule maîtrisée depuis quelques années maintenant et Christine Nagel qui arrive en même temps que les belles journées ensoleillées : Hermès est dopé à la vitamine D !
Ainsi, Ellena déploie ses ciels aux brumes qui défilent et y fait exploser au loin des nuages chargés de pluie ; il fait chanter trois colibris aux ailes vertes iridescentes. Quand le Soleil tonne, un seul mot imprègne l’air ambiant : euphorie. Réverbération, lumière diffuse, condensation infime, Ellena rejoue son questionnement perpétuel des matières premières - et donc du parfum - en faisant rire épices, agrumes, bois et embruns. Mais cette fois, les prières se font plus basses, un silence s’installe, les matières se regardent - complices - et éclatent de rire dans une jovialité depuis trop longtemps oubliée en parfumerie.
Je vous vois venir : les auto-références pleuvent, de la Bigarade chez Frédéric Malle à la dernière Hermessence Epice Marine ; mais c’est finalement le propre d’une écriture identifiable entre mille. D’autant plus qu’ici, chaque fragment est mis en oeuvre pour servir un propos simple - aérer et diffuser les notes de Terre - ce qui n’est pas toujours le cas chez Ellena (à trop jouer les métaphores olfactives, Voyage reste quand même bigrement peu intéressant).
C’est qu’il faudrait être d’un cynisme déconcertant pour ne pas sourire à son tour lorsque l’explosion d’orange, de bigarade et de bergamote parvient à notre nez. Gracieusement poivrée, étonnamment aldéhydée et doucement verte, cette ouverture est, je pense, la plus jolie tête que nous verrons cette année. Une fois la tempête apaisée, les notes marines, à peine salées, surtout minérales, viennent caresser la poudre du Terre que l’on connaît, avec son cèdre diaphane et son vétiver muet, mais au regard perçant. En ressort un jeu autour des éléments plutôt malin qui font de cette Terre Eau Très Fraîche un parfum à la fois expérimental et accessible, autant abstrait que dans le ressenti pur.
Contemplatif et rieur, Ellena continue de bâtir ce havre de paix et de beauté que sont les linéaires Hermès, dépassant avec majesté le cadre du simple "joli parfum" que peu arrivent à atteindre. Rire et faire sourire son public : en épousant ainsi une nouvelle émotion, il semblerait que l’oeuvre d’Ellena se coordonne de plus en plus aux sentiments humains, à ses cheminements et surtout, à ses éternels recommencements.
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par Troudujol, le 18 juin 2014 à 23:09
C’est étrange parce que ce parfum est, pour moi, d’une tristesse absolue, même si c’est peut-être moins vrai que pour la version "eau pas très fraîche"... Le mystère des émotions...
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par Jicky, le 19 juin 2014 à 02:14
Ah ça c’est drôle parce que autant par exemple Déclaration d’un soir je ne le trouve pas triste mais je comprends que certains le voient comme ça, autant TETF, j’ai plus de mal à ce qu’on le voit triste. L’envolée est tellement euphorisante avec ses éclats vifs et mordants, colorés, électriques que j’ai du mal à imaginer quelque de l’ordre de la "tristesse absolue". Néanmoins, j’ai vraiment une dimension "contemplative", ainsi que des notes minérales un peu salines qui peuvent éventuellement donner cette impression. Je ne sais pas, j’émets des hypothèses... Qu’est ce qui te donne cette impression ? C’est intéressant !
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par Troudujol, le 19 juin 2014 à 21:07
Je sais pas, Terre d’Hermès m’évoque déjà des gens que globalement, je n’aime pas ; autour de moi, soit des vieux beaux, soit des jeunes coincés qui veulent s’acheter une crédibilité ou un sérieux surannés. Et puis, il m’évoque... la morgue lol. Peut-être ce côté froid et minéral, avec ce poivre et ce vétiver en lame de couteau.
par Nymphomaniac, le 19 juin 2014 à 22:21
Je peux comprendre qu’il soit "attristant". Le départ est certes euphorisant "avec ses éclats vifs et mordants, colorés, électriques". C’est joli – quoiqu’assez vain diront à juste titre certains –, c’est "euphorisant", mais au final cela demeure moins "vivifiant" et surtout moins "enivrant" qu’un splash de la classique Eau d’Orange Verte du même parfumeur. Eau Très Fraîche tient bien plus que cette dernière en revanche, mais au prix d’un drydown semi-aqueux, semi-bois douteux qui ne sent pas très bon au final, ou plutôt dont on se passe volontiers au bout de quelques portages (mesurer la lassitude ou l’ennui qu’un parfum peut susciter étant pour moi des critères essentiels). En caricaturant, je dirais qu’il y a dans Terre Eau Très Fraîche un côté "Invictus de la Mer", et il aurait aussi bien pu s’appeler "Terrictus" voire "Terre Rictus" pour paraphraser le nom du premier.
Et, dans un genre que je préfère aux "agrumes", j’ai retesté il y a peu l’Eau de Campagne après un test calamiteux en 2012 je crois. Là, je retrouve presque l’Eau de Campagne "Vintage" dont il ne me reste plus qu’un fond. Je ne sais pas si cela a été "reformulé" à nouveau ou quoi, mais c’est nettement mieux qu’il y a deux ans, ou alors je débloque.
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par Jicky, le 19 juin 2014 à 23:18
Ah c’est possible pour l’Eau de Campagne. J’irai jeter un coup de nez tiens, vous avez titillé ma curiosité ;)
Troudujol : je vois tout à fait ce que tu veux dire, effectivement, le public un peu cliché de Terre d’Hermès évoque beaucoup des visions angoissantes de notre société actuelle. Ça me fait toujours ça quand je suis dans le train de 18h30 à la défense et que je vois cette masse se déplacer à l’unisson dans un même, en rythme, un plan qui m’évoque toujours les ouvriers qui se déplacent comme des horloges dans l’introduction de Métropolis. Et beaucoup portent Terre. Mais... Le parfum est très beau en soi. Et dedans, combien portent aussi Bleu et L’Homme d’YSL, tellement inexistants qu’on ne les devine même pas à côté du côté unique de Terre ? En fait, avec le temps, j’ai même réussi à tirer une image pleine d’espoir pour ces gens : ah toi au moins tu portes Terre ==> pas de risques mais c’est très bien.
Pour les facettes métalliques, je comprends, il y a un côté M/Mink derrière tout ça, et s’il y a bien un parfum qui joue avec les thèmes de la mort dans la vie et inversement, c’est celui ci...
Nymphomaniac, j’aime bien votre idée de vanité dans le départ de TETF. Avec ce côté marin, le jeu autour des éléments (qu’a brillamment éclairci Opium dans son message), et cette vanité des agrumes pleins de vie au départ, on est sur des thématiques du baroque littéraire. Ce jeu des contrastes, des contraires, d’une certaine vanité de la vie. Mais dans un baroque plutôt positif, où la vie n’est qu’un un songe passager vagabond et muable et donc pour laquelle il faut profiter, s’extasier, partir en couille quoi.
Quant au fond, je comprends ce que vous voulez dire, je peux rentrer aussi par ces facettes là, mais je préfère rester sur les facettes minérales et boisées verticales. Et cette signature a le mérite d’être assez unique ;)
par Bel Ami, le 14 avril 2015 à 19:32
Ah bon la cultissime Eau d’Orange Verte de JCE ? Plutôt Françoise Caron, non ?
par Opium, le 17 juin 2014 à 21:27
Bonsoir à tou(te)s. Salut Jicky.
Tout d’abord, je te félicite pour ce superbe texte, largement à la hauteur de cette très intéressante déclinaison qu’Hermès nous propose.
Ensuite, je te remercie de sous-entendre une idée que j’avais eue sans la préciser pour me laisser venir l’expliquer ici. ;-)
Lorsque nous avons discuté de Terre Eau Très Fraîche avec Jicky, il m’est apparu assez vite une évidence. Si Jean-Claude Ellena voulait une terre verticale pour son premier Terre, il me semble qu’il a voulu un nouveau Terre sans presque de terre cette fois.
Trois dimensions sont étirées dans ce parfum presque bouddhiste : l’air, le feu et l’eau ; le sol, lui, étant donc réduit encore alors qu’il n’était que peu présent précédemment, Jean-Claude Ellena préférant les suggestions esquissées aux traits grossiers.
Par la sensation saline et de marée proche de celle d’Épice Marine, c’est l’eau qui est augmentée. Le cumin (éternel hommage à cette superbe Eau "tiède" qu’est celle d’Hermès), plus sensible ici, apporte le feu. Les agrumes et leur envol tout en vivacité qui font (sou)rire semblent faire décoller la structure ; dans les airs donc.
Outre que le résultat est tout simplement beau, quelle que soit l’intention initiale, percevoir une telle intelligence de composition est assez jubilatoire.
Et, comme le dit très bien Jicky, alors que du joli aurait déjà été appréciable, voici que nous avons du superbe.
Enfin, un réel espace de respiration, comme un îlot paradisiaque...
Encore bravo, c’est super, tu m’as fait sourire autant que lors de la découverte de cette "nouveauté" avec ton très beau texte ! ;-)
A bientôt.
Opium
par Youggo, le 17 juin 2014 à 19:31
Article de Denyse Beaulieu dans le ELLE du 7 février, Jean-Claude Ellena dit : "Dans mes parfums, j’essaye toujours de mettre du sourire. Ce n’est pas une notion marketing, c’est une émotion réelle."
Tout s’explique !
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par Jicky, le 17 juin 2014 à 23:31
Ah bah comme quoi !
(pour ma défense, le texte est en parti venu de lui même une nuit en mars à 3h du matin, griffonné en express sur une feuille double froissée).
Je suis content qu’il dise ça. Ça se sent vraiment. On avait un Ellena trop nébuleux il y a deux trois ans, mais vraiment, je ne sais pas ce qu’il s’est passé, depuis Jour, le monsieur m’enchante encore plus, de créations en créations !
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par Youggo, le 18 juin 2014 à 12:34
Trop nébuleux, oui, c’est tout à fait ça. Avec une tendance à vouloir intellectualiser son esthétique épurée, qui faisait que ça ne fonctionnait plus vraiment. D’ailleurs Duchaufour semble être tombé dans le même travers depuis quelque temps, privilégiant le concept à l’émotion. Alors ça l’éclate peut-être intellectuellement, mais nous ça nous emmerde.
Mais là les dernières créations d’Ellena, pour moi elle respirent l’évidence. L’évidence dans son sens premier "ce qui s’impose à l’esprit comme une vérité, ou une réalité, sans qu’il soit besoin d’aucune preuve ou justification". On oublie le blabla, on garde juste les parfums qui arrivent d’abord à nous surprendre, puis qui s’imposent comme des évidences. C’est vraiment réjouissant.
par carmencanada, le 22 juin 2014 à 17:00
Exact ! (dit la sus-citée). JCE me parlait de ce sourire, et il me semble, comme à Jicky, qu’on le perçoit dans ses derniers parfums... et aussi dans son prochain cuir, adorable. Comme si, depuis qu’il est en partance, quelque chose en lui s’était délié. Cette Eau très fraîche, en tous cas, me réjouit !
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par Jicky, le 5 juillet 2014 à 03:17
Merci Denyse pour tes précisions ! Comme nous en discutions la dernière fois, je pense effectivement qu’il y a un nouvel élan chez Ellena. Ce que je sous-entend dans le texte est une interprétation totalement biaisée, mais j’aime beaucoup l’idée selon laquelle l’achèvement que représente le Narcisse Bleu pour moi implique un changement clef. À sa sortie, il pouvait se passer deux choses : soit le créateur se dit "c’est bon, j’ai fini" et finit là, soit il entre dans une sorte de frénésie libératrice, souriante et pleine de vie où il enchaine une sorte de série renouvelée. Quoiqu’en dise Ellena, je n’avais pas ce mordant dans ses créations pré-2012, ce ton rieur. Alors bien sûr, je pense que l’hypothèse d’un lâcher prise via l’arrivée de Nagel y est pour beaucoup, mais voilà, j’aime croire que ça vient aussi suite à une sorte d’achèvement.
par Nymphomaniac, le 16 juin 2014 à 23:39
Le départ est très agréable dans les agrumes ; le drydown donne l’impression d’une version presque "délavée" de terre d’hermès, avec un côté un peu "synthétique" (?).
Bon, de toutes façons, peu importe, je préfère les "verts" en été : l’Eau de Campagne (finalement, la version actuelle est très bien), Chanel n°19, et, sans doute – non testé –, Corsica Furiosa...
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par Jicky, le 17 juin 2014 à 13:48
Je suis assez d’accord avec vous. Sur le fond, ce n’est pas tant qu’on est sur une version délavée de Terre, mais c’est vrai qu’il y a une note marine très flash, limite fluo et c’est assez déstabilisant (c’est d’ailleurs à cause de cette note que certains amis m’ont dit beaucoup respecter ce parfum, mais avoir quand même du mal avec lui). Après, on n’est pas dans le fonctionnel non plus, mais c’est vrai qu’à un certain stade de l’évolution, c’est borderline.
Le vert en été ? Je sens qu’effectivement, vous allez beaucoup aimer Corsica Furiosa ;) (j’ai commencé à écrire dessus !)
par ERIC, le 16 juin 2014 à 23:17
Du sourire, le coin des lèvres qui se soulèvent de plaisir, c’est vrai qu’il s’agit un peu de cela avec cette Eau très fraîche. Personnellement, je la préfère à sa grande sœur qui m’a toujours fait penser à un costume acheté pour un entretien d’embauche. Elle me mettait mal à l’aise car elle ne me correspondait pas. Ici, au contraire, c’est casual, un vêtement d’un vendredi après-midi de printemps, celui qui vous va si bien .Elle me laisse respirer, moins viril je suis, moins jeune commercial pas si dynamique que cela j’ai l’air. Un peu d’autodérision dans ce nouveau jus ? Oh oui, je crois bien !
Merci donc Jicky pour ces sourires...
Très cordialement
ERIC
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par Jicky, le 17 juin 2014 à 13:44
Je suis teeeeeellement d’accord avec vous Eric ! J’adore Terre d’Hermès, c’est un des parfums les plus marquants des années 2000 et forcément un masculin qui va marquer le parfum. D’autant plus que, dans les best seller pour homme, il reste un des plus jolis. Mais c’est vrai que ses porteurs en ont fait un cliché du jeune cadre de La Défense, avec son chic facile, discret et très bureau-friendly. L’Eau Très Fraîche joue, comme vous le dites très bien, sur une sorte d’autodérision (à commencer par le nom, qui se fout quand même de la gueule de toute une industrie flankerisée) qui fait plaisir.
J’espère vraiment qu’il va marcher. En tout cas, ce mois ci, Hermès a beaucoup communiqué dessus (fête des pères oblige). Et je trouve ça plutôt chouette.
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