Tobacco Vanille

Il y a des parfums qui ont un pouvoir d’évocation presque surnaturel, qui nous racontent des histoires, nous plongent dans des visions, nous font voyager dans le temps et l’espace. Tobacco Vanille est de ceux-là.

Dans l’alcôve obscure une femme alanguie, les cheveux épars, observe son amant. Cette femme, c’est Jeanne Duval. Son amant, c’est Charles Baudelaire.

D’où venait la maîtresse métisse de Baudelaire ? Des Antilles, de Madagascar ou de l’Inde, nul ne le sait. Elle était une muse sensuelle, empreinte d’exotisme et de mystère. Il me semble que Tobacco Vanille pourrait être le parfum de cette « bizarre déité, brune comme les nuits, / Au parfum mélangé de musc et de havane » que décrit Baudelaire dans Sed Non Satiata.

Odalisque du boudoir, sa peau de cacao dégage une odeur suave, frottée des gousses de vanille venues comme elle de lointains pays. Son haleine de baisers est chargée de miel et de fruits confits. Au fond d’une coupe, reposent encore quelques raisins secs imprégnés d’alcool.

« Dans l’ardent foyer de ta chevelure, je respire l’odeur du tabac mêlé à l’opium et au sucre ; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l’infini de l’azur tropical » lui murmure le poète. [1]

Oublieux, il délaisse sa belle d’abandon après l’amour. Les sens déjà enivrés, il cherche encore le voyage dans les volutes de paradis artificiels : l’opium, le hashish et le tabac. Fumer la pipe lui est un baume moral qui « roule un puissant dictame, / qui charme son coeur et guérit / de ses fatigues son esprit ». [2]

C’est tout cela que m’évoque Tobacco Vanille. Une femme, d’une sensualité dévorante ; un homme, dandy et décadent. Sombre, sombre vanille... Noire d’un cacao brut vaguement poivré et d’un tabac moelleux, tendrement épicé.